mercredi, février 28, 2007

Le seize mars: réaction du fils du Colenel Kader

Je partage avec vous la lecture de ce temoignage très touchant de l'un des fils du Colonel Mohamed Ould Abdel Kader dit Kader (Allah yarehmou). Ce temoignange est une réaction à mon blog intitulé : Le seize mars
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Je commence par ce témoignage du père de la nation feu Moktar Ould Daddah, dans son livre « La Mauritanie contre vents et marées » page 639 :
«Notre réunification est liée dans nos mémoires aux grands sacrifices consentis par le peuple mauritanien, à partir de décembre 1975.
Je veux ici, et avant d’évoquer cette période capitale et douloureuse, rendre un hommage national et combien mérité à ceux de nos officiers ayant particulièrement et glorieusement représenté notre armée. Il s’agit du Commandant Soueidatt Ould Weddad, officier parachutiste, mort au combat le 20 janvier 1976 avec ses hommes, en défendant notre position d’ Ain Ben Tili, et du Colonel Mohamed Ould Abdel Kader, dit Kader commandant notre aviation pendant la guerre et fusillé le 26 mars 1981 avec ses compagnons d’armes, le Colonel Ahmed Salem Ould Sidi, les Lieutenants Niang Issa dit Salah et Mohamed Doudou Seck, pour avoir voulu rétablir la légitimité. »
Depuis toujours, je me suis demandé pourquoi la plus part des personnes telles quelles soient, journalistes, historiens ou écrivains limitent l’action du 16 mars 1981 à son aspect militaire alors que toute action militaire rentre souvent dans le cadre d’une vision politique. Dès lors, Il serait plus judicieux de se demander qu’est ce qui a pu pousser un officier supérieur de surcroît tel que le colonel Kader, bénéficiant de tous les égards en tant que membre des deux hautes instances du pays à savoir le Gouvernement et le CMSN à démissionner et à s’exiler en laissant derrière lui ses proches, ses amis et ses biens ?
Je réponds par un passage dans la lettre de démission du Colonel Kader en juin 1979:
«Ce que je peux ajouter à ce stade, Monsieur le Président, est que le 12 mai dernier, j’ai présenté ma démission du C.M.S.N. pour des raisons que je ne juge pas opportun de révéler.
A ce sujet, permettez-moi de me prévaloir de votre témoignage ainsi que celui des camarades que vous connaissez.Aujourd’hui, je viens requérir ce même témoignage, convaincu qu’il ne me fera pas défaut, pour prouver, que c’est bien moi qui est de nouveau présenté ma démission du Comité et du gouvernement pour des raisons personnelles.
Ces raisons, que vous et tous les membres du comité devinez, se résument en ce qu’un homme dont le seul idéal a toujours été de servir son pays aux prix de lourds sacrifices, accepterait difficilement de souscrire à un système qui visiblement œuvre en faveur de sa destruction.La charte et le règlement intérieur du C.M.S.N permettent à chaque membre de se retirer suivant une certaine procédure que j’ai respectée mais que vous avez pris la responsabilité de bafouer.Je comprends que le Comité Permanent ne puisse pas livrer à l’opinion toutes ces vérités. Je comprends également que lorsqu’on veut tuer son chien, on l’accuse de rage.
Quoi qu’il en soit, je rentrerai dans mon pays pour que la vérité triomphe, car je fais confiance aux Forces Armées Nationales et au sens de la justice du peuple mauritanien.
Je suis convaincu que les officiers dignes de notre Grande Armée et de notre peuple de héros sont plus nombreux que ceux qui sont entrain de brader l’héritage glorieux de notre illustre disparu, le regretté Ahmed o/ Bousseif. Je me reconnais incapable de trahir sa mémoire. Et si en cela j’ai commis un crime, j’ai choisi d’en subir les conséquences. »
Quant au problème du Sahara, mon père était pour la paix mais une paix réelle et honorable et non pas une capitulation et un démembrement de sa patrie. Avant la mort de feu Colonel Bousseif, mon père avait contribué à l’élaboration d’un document confidentiel qui dénote que la paix au Sahara ne pouvait être que globale, acceptée par toutes les parties. Cette solution est, aujourd’hui, l’unique en vue.
Feu colonel Cheikh O. Beida, alors président du tribunal militaire qui a prononcé le verdict de la peine de mort en mars 1981, a affirmé à la famille du défunt que la sentence était décidée au plus haut niveau bien avant la fin du procès macabre. Il disait aussi que « Kader a vu vingt ans plus tôt que nous ».
Savez-vous que durant le mois de novembre 1980, Haidalla a orchestré un procès qualifié par la presse internationale comme l'un des plus scandaleux de l'histoire de la justice africaine. (Jeune Afrique du 03-12-1980)
En effet, le 21 novembre 1980, la cours spéciale de justice militaire se réunie à Rosso dans une totale clandestinité et à l'issue d'un procès, sans accorder aucune forme d'assistance ou de défense, condamne par contumace à mort feu colonel Mohamed Ould Abdel Kader, "aux travaux forcés à perpétuité " l'ex-président feu Mokhtar Ould Daddah et d'autres peines lourdes ont été également prononcées contre une dizaine de militaires. Mon père n’avait entamé aucune action militaire.
Pour revenir au volet militaire du 16 mars 1981, je vous fais part de quelques détails remarquables. D’abord le Colonel Kader avait refusé toute implication étrangère dans l’action militaire. Pour lui, c’était une affaire à régler entre mauritaniens et par les mauritaniens. Ce qui bien entendu explique la modestie des moyens déployés par le commando.
A titre d’exemple, il n’ y avait pas de moyens de transmission entre les membres du commando. Ce dernier se composait de dix (10) éléments dont les deux Colonels. Ici, je tiens particulièrement à confirmer que ni mon père ni ses amis ont tué un mauritanien. Toutes les victimes recensées ont été faites par l’intervention brutale de quelques garnisons militaires. D’autre part, je vous assure que beaucoup d’autres officiers étaient mêlés à cette action dont des commandants de régions à l’époque.
Nombreux aussi sont les civils entre autres de hauts fonctionnaires de l’Etat, qui cautionnaient cette intervention. Nous en avons les preuves écrites, des lettres,des télégrammes ..etc. L’action du 16 mars 1981 traduisait, simplement, l’exaspération de la majeure partie du peuple mauritanien d’opérer un changement devant la dictature le gabegie qui régnaient en maître. Malheureusement, le coup d’état était l’unique voie pour opérer ce changement.
Je ne saurai bien sur relater tous les faits qui montrent la cruauté de l’ère Haidalla, car je suis sur que bien d’autres en ont souffert, mais permettez-moi, de dire ceci :Les Chiites d’Irak, malgré leur haine et leur acharnement vis-à-vis de feu Saddam ont fini par accepter de remettre sa dépouille à ses proches. Figurez-vous, que le dernier vœu de feu Colonel Ahmed Salem O Sidi, d’après son avocat qui vit encore (Maître Yacoub Diallo), alors qu’il était sur le poteau d’exécution, je cite la dernière phrase du Colonel : ‘’ J’aimerais que ces gens remettent nos dépouilles à nos proches après notre exécution afin qu’ils nous enterrent conformément aux dispositions de notre religion ‘’. L’ordre écrit qu’a reçu le commandant de la base de « Jreida », lieu de l’exécution, était de mettre les quatres exécutés, directement, dans une fosse commune. Nous apprendrons, plus tard, que le commandant en question, sur sa propre initiative, a fait appel discrètement à un Imam qui les a enterré un à un, en respectant tous les rites de notre religion. Feu Lieutenant Doudou Seck, qui était grièvement blessé et qui n’a pas pu assister au procès, a été arraché de son lit à l’hôpital, malgré les contestations, pour être conduit au poteau d’exécution.
Pour ceux qui avancent que Haidalla, n’a pas voulu les exécuter mais il a été mis en minorité au sein du CMSN, je rappelle que le groupe d’avocats de la défense lui a présenté une demande de grâce présidentielle qu’il a aussitôt refusée. La sentence a même été anticipée pour décliner les demandes de grâce formulées par la communauté internationale. Je vous laisse, donc, le soin de juger, vous-même, de la cruauté de ce dictateur, qui aujourd’hui se présente à vous, en tant qu’homme religieux, venu sauver la nation.
Pour l’histoire, je vous rappelle que le Colonel Kader fut l’unique officier de l’armée mauritanienne cité deux fois à l’Ordre de la Nation pour faits de guerre. Il est l’unique officier mauritanien à avoir pratiqué toutes les disciplines militaires, il fera successivement avec succès la Cavalerie puis les Troupes Aéroportés, de celles-ci à l’Infanterie et de cette dernière à l’Aviation où il obtiendra tous les permis de pilotage y compris des avions supersoniques. Bref, ce que l’on voulait tuer n’est pas Kader, mais la bravoure et le sens de l’honneur au sein de forces armées nationales.
Kader.